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fin de roman

Un soir, sa sœur Rosalba arriva à sa chambre et lui annonça que leur mère était partie cet après-midi-là pour l’hôpital. « Le docteur a dit qu’elle a deux abcès dans la tête et qu’il faut l’opérer. Faudrait un peu d’argent. Alors, j’ai télégraphié à papa. »

— Télégraphié à papa ! Quelle idée ! Penses-tu qu’il va en envoyer de l’argent ? Et où est-il ? demanda Luce.

— J’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit avoir travaillé avec lui à l’usine d’Arvida. Alors, j’ai télégraphié là.

— Ça fait six ans qu’on ne l’a pas vu, qu’il n’a pas écrit et qu’il n’a pas donné un sou à la famille. T’imagines-tu qu’il va faire quelque chose maintenant ?

— Dans tous les cas, il n’y a rien comme d’essayer, répondit Rosalba.

— Pis, qu’est-ce qu’elle a l’air, maman ? s’enquit Luce.

— Ben, tu sais, elle n’a pas bonne mine. Pis, elle a bien peur de l’opération.

— Si par hasard, tu reçois une réponse de papa, viens me voir pour me le dire. Mais je serais surprise s’il se donnait la peine d’écrire.

Une semaine plus tard, Rosalba s’amenait de nouveau chez Luce.

— Papa a écrit, dit-elle en entrant. J’ai reçu la lettre cet après-midi. C’est à maman qu’il l’a adressée, mais je l’ai lue. Tiens, la voici, fit-elle en tendant une enveloppe décachetée. Lis ça.

Luce prit le papier que sa sœur lui présentait. Elle lut : « Emma, on me dit que tu es à l’hôpital. Meurs, ma crisse ! Qu’est-ce que tu attends donc pour disparaître ? Il y a longtemps que tu devrais être morte. Ce serait un bon débarras pour tout le monde. Chose certaine, je n’as-