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fin de roman

Cette clause cependant était toujours demeurée lettre morte. Comme l’église n’était qu’à un demi-mille de la maison, les deux femmes marchaient pour se rendre à la messe, comme elles avaient toujours fait d’ailleurs. Lorsque les chemins étaient trop mauvais, la vieille grand-mère restait chez elle et récitait son chapelet. La fille, elle, bravait le froid, la boue, la neige et était strictement fidèle à son devoir religieux. Maintenant, toutefois, elle réclamait une voiture. Mais les choses avaient bien changé depuis ce temps-là. La terre avait été vendue et il ne restait ni chevaux ni voitures. Ce qui autrefois était une obligation sans conséquence, représentait maintenant une dépense d’argent, car les taxis ne promènent pas les gens pour des prières. Naturellement, Zélie était furieuse. Jusqu’ici, elle avait toujours cédé sur tout, mais cette dernière exigence faisait déborder la mesure, d’autant plus qu’elle était inutile parce qu’à cette époque, la route était belle.

La nièce était vexée, irritée au delà de toute mesure.

— Tu sais, je compte bien que dimanche prochain tu vas envoyer une voiture me chercher pour me conduire à l’église, fit le surlendemain la tante à sa nièce pour lui renouveler la mémoire et lui montrer qu’elle n’entendait pas badiner.

— Vous aurez votre voiture, répondit sèchement Zélie.

La semaine s’écoula dans une sourde hostilité.

Le dimanche donc, à l’heure de se rendre à l’église, l’on entendit un impérieux appel de klaxon.

— C’est votre voiture qui vient vous chercher, annonça Zélie.