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fin de roman

de gourmet dans un restaurant ayant quelque spécialité gastronomique. Cela me reposait un peu du banal et monotone menu du cafeteria où je prenais d’ordinaire mes repas. C’est ainsi qu’un soir, je fis à La Pagode d’or la connaissance d’un jeune homme qui parut éprouver un vif plaisir en ma compagnie. Lui aussi était venu seul au cabaret et occupait une table voisine de la mienne. À l’heure de la danse, il s’était levé, était venu à moi et m’avait invitée à me joindre au fox trot dont l’orchestre avait donné le signal. La danse terminée, il vint s’asseoir près de moi et nous causâmes en prenant un cocktail. Son nom était Vernon Faber. Il me raconta que son père, co-propriétaire d’un magasin de gros d’appareils électriques, était mort dernièrement et qu’il lui avait succédé. Il était devenu le partenaire de l’associé de son père. Le commerce l’intéressait fort et il se trouvait dans son élément.

Nous dansâmes de nouveau pendant quelques minutes et prîmes un nouveau cocktail. Après avoir bavardé pendant une demi-heure je me levai pour partir.

— Ma voiture est ici et, si vous le permettez, je vais vous conduire chez vous.

En route, nous discutâmes de choses indifférentes.

— Je ne vous invite pas à monter car je ne reçois jamais personne, lui dis-je, alors que je descendais de l’auto.

— Donnez-moi votre numéro de téléphone et je vous appellerai pour aller souper ensemble.

— Je n’ai pas de téléphone. Je vis solitaire, répondis-je.

— Vous n’avez pas de téléphone et vous vivez solitaire. Mais vous êtes un vrai mystère que j’aimerais à approfondir. C’est incroyable qu’une jeune femme séduisante comme vous l’êtes vive absolument seule, sans amis.