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fin de roman

vie que j’avais entrevu. Certes, j’aimais profondément Vernon Faber, mais la scène qui venait de se passer m’avait complètement bouleversée. Ainsi, l’homme qui, si j’étais restée à l’église, serait maintenant mon mari, avait eu une liaison. Dans le temps qu’il m’amenait souper à tous les quinze jours, puis à chaque semaine, il continuait selon toute apparence de voir son amie. Puis, il avait abandonné pour moi la femme qu’il avait rendue mère d’un enfant. Pareille chose me révoltait. Jamais je n’aurais pu vivre, élever une famille avec un être qui avait agi de la sorte. Je voulais pour compagnon, pour mari, un homme loyal en qui je pourrais avoir toute confiance. Je songeais à la pauvre fille qui avait un sort aussi cruel. Je n’avais pas eu le temps de la regarder, mais la brève vision que j’avais eue d’elle avait laissé en moi une impression ineffaçable. J’avais pu voir qu’elle était brune, délicate, avec une expression de désespoir sur la figure. Si je m’étais mariée à Vernon Faber j’aurais eu constamment le portrait de cette femme et de son enfant dans mon imagination. Dans ces circonstances, la vie aurait été un cauchemar. Heureusement que la tragique révélation était venue avant la cérémonie du mariage. Après, c’eût été une catastrophe. Avant, le coup était cruel mais ses conséquences étaient moindres. J’avais le cœur brisé, car j’aimais profondément, complètement Vernon Faber. Assurément, je ne voulais plus le revoir. Il était l’homme que j’avais le plus aimé jusque là, mais l’abandon de son ancienne amie et de son enfant me le faisaient détester. Tout était désormais fini entre nous. J’étais déçue et désorientée mais je comprenais qu’il était impérieux de me faire une raison. Le plus important pour le moment était de me trouver un emploi, de gagner ma vie. Je fis des démarches, démar-