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fin de roman

d’environ vingt-quatre ans était la nièce de ses hôtes. Comme elle relevait d’une grave maladie, la supérieure de son couvent lui avait accordé un congé de convalescence et elle allait visiter ses parents. L’Américaine apprit que cette jeune fille s’était faite religieuse à seize ans. Elle n’en revenait pas de sa surprise.

— Mais à seize ans, comment pouviez-vous prendre une pareille décision ? Vous n’aviez pas la moindre notion de ce qu’est le monde et vous vous êtes engagée pour la vie. Vous ne le regrettez pas ?

— Je suis heureuse, parfaitement heureuse, répondit la jeune religieuse et aujourd’hui, huit ans après avoir pris le voile, je ne désire pas plus connaître le monde que je le souhaitais à seize ans. C’était ma vocation d’être religieuse et c’est une grande joie pour moi de savoir que j’ai trouvé ma voie, la voie du salut. Le monde n’est rien pour moi. Ce qui compte, c’est la vie future, c’est l’éternité.

Avec une expression de foi qui illuminait toute sa figure, la jeune religieuse continua : j ai eu une tragique révélation de la vocation à laquelle j’étais appelée. Un dimanche d’été, toute la famille qui demeurait à la ville décida d’aller rendre visite à mon grand-père qui habitait à la campagne sur les bords du lac Saint-François. Nous partîmes donc, mon père, ma mère, mon frère, ma sœur et moi qui étais la plus jeune. Après le dîner, mon frère suggéra d’aller faire un tour en chaloupe sur le lac. L’idée fut acceptée avec enthousiasme. Toute la famille prit donc place dans l’embarcation. C’était une journée idéale et cette petite excursion promettait d’être très agréable. Cette promenade sur l’eau nous mettait tous en joie et nous goûtions pleinement ces moments de détente, de repos, si différents de notre existence à la ville. Il y avait