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fin de roman

— Restez, nous sommes très heureux de vous avoir avec nous, déclara M. Lantier.

Un après-midi, Irene Dolbrook revenait d’une promenade le long de la rivière en compagnie de M. Lantier. Soudain, en passant devant une coquette maison en brique entourée de fleurs, elle aperçut, placée sur une petite table, sur la pelouse, près de la clôture, une tête de jeune fille en marbre, la figure tournée de côté. Même vue d’une certaine distance, c’était là une œuvre d’art remarquable. Elle s’arrêta un moment pour regarder ce buste. Une vieille dame à cheveux blancs descendit alors de sa véranda et s’approchant, salua familièrement M. Lantier qu’elle connaissait et qui lui présenta sa compagne.

— J’admirais cette figure en marbre que vous avez là, fit Irene Dolbrook en désignant de la main la blanche statuette.

— C’est un précieux et triste souvenir d’une de mes nièces, répondit la dame. Elle était sculpteur, sculpteur de talent et passionnée de son art. Elle avait vingt-quatre ans et venait de se fiancer à un jeune médecin. Un jour qu’ils se promenaient sur la rivière, un orage éclata soudain et la foudre frappa leur canot, tuant instantanément le garçon. Ma nièce reçut elle aussi un choc, mais sans gravité. Le malheur qui la frappait était une épreuve trop cruelle pour elle. Elle devint folle et dut être internée à l’asile. Il y a dix-huit ans de cela. J’ai hérité de ce buste.

— C’était sûrement une artiste de grand talent et possédant une forte personnalité, déclara Irene Dolbrook, après avoir contemplé la figure de marbre. J’ose dire que c’est là une création remarquable.

Visiblement heureuse de cette flatteuse appréciation de l’habileté de sa nièce, la vieille dame invitait M. Lantier