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fin de roman

— Et si originale, d’un si bon goût, renchérit Mme Lantier.

— C’est la robe que j’avais achetée pour aller en Floride, expliqua l’amie de New-York.

— Bien, vous deviez être la plus élégante à Miami, ajouta le vieil homme.

— Peut-être bien, mais elle ne m’a pas porté chance, déclara mélancoliquement la jeune femme.

M. et Mme Lantier se rendaient compte que la visiteuse qui prenait place à leur modeste table appartenait à cette catégorie de créatures faites pour fasciner les hommes. Ils comprenaient la séduction qu’elle exerçait là où elle passait. Moins belle, moins élégante, sa vie eût été plus calme, plus heureuse, pensaient-ils.

Chaque matin, Irene Dolbrook allait s’asseoir devant la rivière toute miroitante au soleil. Et chaque fois, c’était pour elle un émerveillement. Un hymne, un chant d’allégresse semblaient s’élever de l’eau chatoyante.

Vraiment, la Rivière Endormie était ensorcelante. Elle exerçait sur la visiteuse une fascination, une espèce de sortilège. Chaque matin, elle en subissait intensément la douceur et le charme.

Elle était déjà depuis quinze jours chez ses amis. Se parlant à elle-même elle se disait : Je suis comme un malade qui est entré dans un sanatorium pour faire une cure. Il ne voulait rester qu’un temps déterminé mais rendu au terme de la période, il se rend compte que la guérison n’est pas complète et qu’il lui faut prolonger son séjour dans cet établissement s’il veut partir guéri.

— Je crois que je vais rester encore une semaine, dit-elle à ses amis.