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fin de roman

Mme Louye éprouva un terrible choc et crut que le cœur allait lui manquer. Elle devint d’une pâleur mortelle, ses jambes eurent peine à la soutenir et elle se laissa choir sur une chaise tout près.

Le policier donna alors quelques détails. L’abbé Louye et trois autres ecclésiastiques étaient partis au matin pour se rendre à Québec afin de souhaiter bon voyage à un confrère qui partait pour Rome afin de poursuivre ses études théologiques. La voiture des quatre prêtres était venue en collision avec un lourd camion. L’abbé Louye qui était au volant avait été tué instantanément. Ses trois compagnons avaient été blessés, mais non grièvement.

La mère restait là, muette, comme anéantie. Sa douleur, son désespoir étaient immenses. Elle pleurait, elle sanglotait. En plus de sa peine, le remords, un remords atroce la torturait. « C’est moi qui l’ai tué ! c’est moi qui l’ai tué ! » répétait-elle dans son égarement. « Si j’avais été fidèle à la promesse que je lui avais faite, il ne serait pas mort. Il me l’avait dit : Pour sauver ton âme, je serais prêt à donner ma vie. Dieu l’a entendu. Il est venu le chercher. Il me l’a enlevé afin que le repentir me force à retourner à Lui. Ô mon Dieu, vous me faites durement expier mes fautes ».

Et elle se remettait à sangloter. Toute la nuit, elle resta là à pleurer en proie à une douleur que rien, lui semblait-il, ne pourrait apaiser. Dans la pièce enténébrée, elle croyait entendre la voix de son fils l’exhortant à rompre sa liaison coupable. À ce moment, sa résolution fut prise, résolution ferme, inébranlable. Jamais plus elle ne reverrait Paul Amiens. Cela, elle l’avait promis une fois à son fils alors qu’il était sur le point de devenir prêtre. Elle avait manqué à sa parole. Maintenant, elle faisait la même promesse à son fils mort. Mais cette fois, elle y serait fidèle.