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fin de roman

vous invite tous pour mardi soir prochain à un souper de famille. Ça te convient ?

— Minute, minute, répondit Guillaume. Ça me fera plaisir d’aller manger chez toi, mais si tu invites Thérèse, moi, je n’en suis pas. Je ne peux pas la voir, je ne peux pas la sentir. C’est un vrai poison. Si elle est là, on va se chicaner toute la soirée et ton souper sera gâté.

— Bon, alors je demanderai les autres mais pas elle. Dans ce cas là cependant, faudra pas parler de la chose, parce que, tu comprends, si elle apprenait que je vous ai tous reçus à souper sans l’inviter, elle m’en voudrait à mort.

— Entendu, ce sera entre nous.

L’affaire devait rester secrète, mais le samedi avant le souper, Thérèse savait déjà que ses frères, leurs femmes et sa sœur Louise devaient prendre part le mardi suivant à un grand souper. Elle savait même que l’on mangerait de la dinde. Une aimable lettre anonyme l’avait informée de la chose. Thérèse n’aimait pas la famille, mais d’être ainsi négligée, mise de côté, la mettait en fureur.

Le mardi soir, les quatre frères avec leurs femmes, Louise et Dupras, son mari, étaient réunis chez René. Une belle grosse dinde de douze livres, cuite à point, appétissante, était placée devant ce dernier. Il se mit à la dépecer pendant que les convives le regardaient avec l’air religieux qu’ils avaient lorsqu’ils suivaient les mouvements du prêtre célébrant la messe à l’autel, le dimanche.

— Vous me gênez, fit-il, en manière de farce.

Naturellement, ils se mirent à parler de Thérèse.

— C’est effrayant ce qu’elle a mauvais caractère, déclara Guillaume. C’était impossible de l’avoir avec nous autres. Elle est tout le temps prête à se battre et à un