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fin de roman

plus plus ignobles injures. Celle-ci se rendait compte cependant que sa mère n’était pas responsable de ses paroles. C’est un drame affreux pour des enfants que de voir des parents qui ont été la bonté même pendant de longues années, changer du tout au tout et devenir des êtres impossibles à endurer. Non, ce n’était pas là la maman si douce, si aimante, si dévouée, si délicate, si distinguée dans son langage qui l’avait élevée, elle et sa sœur. Évidemment, elle souffrait d’un genre de maladie mentale. Son cerveau était bien affecté. De retour chez elle, Valentine passait des heures à pleurer la nuit, tellement elle était découragée, démoralisée. Et elle priait : Seigneur, Seigneur, donnez-moi la force d’endurer ma mère, donnez-moi le courage d’accomplir mon devoir jusqu’au bout.

Le lendemain, elle retournait auprès de la malade.

Pendant ce temps, Rosabelle continuait sa vie oisive, insouciante, sans tracas. Elle visitait des magasins, fréquentait des cinémas, faisait quelques visites, lisait des romans, et, à chaque quinzaine, elle allait passer vingt minutes auprès de sa mère. Un jour, elle était arrivée à la fin de l’après-midi, alors que Valentine venait de partir pour retourner chez elle.

— Tu ne sais pas ce que Valentine m’a demandé aujourd’hui, annonça la mère. Eh bien ! elle s’est informée si j’avais fait mon testament. On dirait qu’elle a hâte que je meure pour tomber dans mon argent. Qu’est-ce que tu penses de cela ?

— Bien, un testament n’est pas absolument indispensable et vous avez d’ailleurs tout le temps pour cela. Vous n’avez que deux filles. Bien sûr que vous ne donnerez pas votre argent à des étrangers, mais un testament épargne bien des ennuis aux héritiers, bien des complications, car