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fin de roman

vouée, que tu as travaillé, que tu t’es dépensée pour soigner ta mère. Je dirai même, sans vouloir te faire des reproches, que tu as négligé ta famille pour lui prodiguer tes soins. Mais elle te voyait trop souvent. Comme tu me l’as dit, elle était hargneuse, malcommode, difficile, irritable, impossible comme tant de vieilles gens. Tu étais là et tes soins au lieu de l’adoucir, de la calmer, l’agaçaient.

Elle te prenait un peu comme une servante qui vient chaque matin pour faire le ménage et préparer le dîner. Elle ne t’en savait pas gré. Peut-être, et c’est probable, elle se disait que tu faisais cela par intérêt, pour obtenir une plus forte part de son argent. Vois-tu, Rosabelle a usé de diplomatie. Elle allait voir ta mère une fois par quinzaine, elle lui apportait une couple de roses, une crème glacée, elle la coiffait gentiment, lui mettait un peu de rouge sur les joues, la regardait d’un air d’admiration en lui disant qu’elle ne paraissait pas malade et qu’elle était jolie. Pour sûr qu’elle ne se fatiguait pas à travailler, elle !

Et elle ne s’éternisait pas auprès de sa mère. Sa visite était courte. Quinze à vingt minutes, puis elle repartait. Au bout de deux semaines, elle revenait dans une élégante toilette et débitait un petit compliment. Elle n’était pas prodigue de ses apparitions au petit appartement maternel. Elle se laissait désirer. Toi tu allais là quotidiennement. Ta mère était habituée à te voir arriver. Tu ne lui apportais aucune joie. Parfois, je songeais à cela et j’étais tenté de te dire de rester un peu plus à la maison, mais je ne voulais pas te détourner de ce que tu te croyais obligée de faire pour ta mère. Je me rendais compte qu’un petit compliment aurait plus fait pour te mériter ses bonnes grâces que tous les bons soins dont tu l’entourais. Cela se voit tous les jours.

Tiens, au bureau de la compagnie, Lalan, l’assistant-