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fin de roman

gérant, est un incompétent qui ne fait rien et n’a jamais rien fait. Son salaire est trois fois plus élevé que le mien. Il est arrivé et il se maintient par la flatterie. Chaque jour, il arrive avec un petit boniment fleurant l’encens qu’il débite au patron. Et il a le mot aimable qu’il place à propos.

Au congrès des compagnies d’assurances qui a lieu chaque année à New-York, aux Bermudes, à Vancouver, à Caracas, c’est lui qui représente la maison. Sans dépenser un sou de son argent, il fait un très beau voyage. Au retour, il rapporte un petit souvenir au gérant et lui raconte les anecdotes amusantes qu’il a récoltées au cours de ces vacances.

La besogne qu’il devrait accomplir, c’est le secrétaire qui la fait et le travail de ce dernier n’est pas reconnu parce qu’il néglige de flatter qui que ce soit. La diplomatie, la flatterie, c’est cela qui te vaut tous les avantages.

— Si au moins nous avions eu la moitié de l’argent, fit Valentine, changeant de sujet. Avec $20,000 nous aurions pu nous acheter une maison, faire instruire nos deux garçons et nous offrir une automobile pas chère.

— Oui, mais nous n’avons rien reçu.

— Ça, c’est souverainement injuste.

— C’est injuste, mais c’est toujours comme ça dans la vie, fit le mari.

— Dans tous les cas, j’ai fait mon devoir, affirma Valentine pour se donner raison.

— Oui, mais c’est ta sœur qui a été récompensée, répliqua l’époux d’un ton amer.

Et il se fit un lourd et pénible silence…