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fin de roman

L’homme à la chaloupe jaune entra alors chez lui, monta à sa chambre et fit de la lumière. À ce moment, des têtes apparaissaient aux fenêtres des maisons et des gens alertés par le bruit des explosions sortaient dans la rue et faisaient toutes sortes de réflexions. Un voisin courut téléphoner à la police.

Indifférent à la tragédie qui venait de se dérouler et dont il avait été le témoin, l’homme à la chaloupe jaune prit dans un coin de la pièce une bouteille de bière, l’ouvrit, s’en versa un verre qu’il avala rapidement car il avait grand-soif, puis le remplit de nouveau et le vida encore en peu de temps. Son équilibre mental n’était aucunement troublé. Qu’est-ce que dira la police lorsqu’elle sera en présence des cadavres qui se font face ? Elle s’imaginera d’abord que les deux hommes se sont tués dans un duel au revolver, mais lorsqu’elle ne trouvera qu’une arme, elle se trouvera mystifiée. Elle fera des recherches, mais en vain. Ce ne sera que lorsqu’on extraira des deux cadavres les balles qui les ont transpercés, que l’on verra qu’elles sont du même calibre, absolument semblables, qu’on conclura qu’elles ont été tirées par le même revolver. Ce sera là quelque chose d’absolument inexplicable. Qui a tiré ? Où est le meurtrier ? Probablement qu’on ne le trouvera jamais.

Après ces réflexions, l’homme prit à lentes gorgées un troisième verre, puis, parfaitement heureux, il vida le reste de la bouteille, couronnant ainsi une journée de repos sur la tranquille rivière. À ce moment, sa pensée retourna à la scène dans l’autobus. « La vieille folle qui s’imaginait que j’étais pour lui donner ma place ! » prononça-t-il à haute voix, et il se mit à rire.