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fin de roman

qu’il sortit et il se dirigea lentement vers sa chambre, heureux de se dégourdir les jambes et de flâner. La nuit était venue et la rue était sombre, pratiquement déserte, car les gens étaient partis pour aller au cinéma ou en soirée chez des parents ou des amis. Le voyageur entrouvrait sa porte lorsqu’il vit à six pas plus loin un homme qui en accostait un autre. Et il entendit une voix sourde qui disait : Ton argent, et vite !

Au lieu d’obéir, le passant ainsi interpellé lança un rude coup de poing qui atteignit le bandit au côté, près du cœur. Sous la violence du choc, ce dernier chancela une seconde, puis reprenant son aplomb il tira à bout portant. L’homme croula au pavé.

Imbécile ! fit le voleur. Et se courbant, il plongea la main dans la poche du pantalon de sa victime, en retira un rouleau de billets de banque qu’il engouffra dans son gousset. Comme il prenait la fuite avec son butin, un policier qui, le soupçonnant de vouloir commettre un mauvais coup, le filait depuis quelques minutes, mais qui n’avait pu prévenir le meurtre brutal, apparut à côté de lui.

— Halte, commanda-t-il.

Pour toute réponse, le bandit tira trois fois de suite puis détala à toutes jambes dans les ténèbres, pendant que le constable, son revolver à côté de lui, gisait dans une mare de sang.

L’homme à la chaloupe jaune qui, de sa porte, avait été témoin de ce double meurtre, vit le voleur passer à la course devant lui, remarqua son nez en bec d’aigle et ses mains énormes. Il nota aussi qu’il boitait légèrement. Mais ces détails étaient pour lui, uniquement pour lui.

En quelques secondes, l’apache disparut dans la nuit.