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fin de roman

vers des colonnes de fumée qui sortaient d’un bâtiment là-bas,

— Ma maison qui brûle ! clama-t-il・

Et jetant sa gerbe de lilas à son camarade, il s’élança en avant, courant à toute vitesse. Il approchait. Ses préhensions étaient malheureusement fondées. La buanderie chinoise voisine de sa boutique était en ruines et les fenêtres de son établissement à lui étaient crevées et toute la façade était noircie. Des carreaux brisés, la fumée s’échappait. Un gros constable montait la garde, faisant placidement les cent pas devant les constructions ravagées par l’incendie. M. Petipas se précipita vers la porte de sa boutique. L’homme aux boutons jaunes accourut et le saisit par le bras pour l’arrêter.

— Je suis le maître. C’est ma boutique. Mon argent ! Mon argent qui est là !

Et d’une main fébrile, il montrait sa clé. Le constable lâcha prise et M. Petipas ouvrit la porte de son imprimerie et s’engouffra à l’intérieur. Les planchers étaient tout couverts d’eau, mais sans s’arrêter à constater les dégâts, il se rua vers une presse, se baissa et saisit à côté une case remplie de caractères pour les annonces et la vida à l’envers, mettant ainsi à découvert une liasse de billets de banque qu’il avait cachés-là. D’une main rapace, le malheureux qui, pendant deux ou trois minutes, avait passé par une torturante inquiétude saisit son trésor et le fourra au fond de sa poche. Désormais rassuré, il envisagea le désastre. Tout l’atelier avait été inondé et l’approvisionnement de papier était absolument gâté. De gros dommages. Et impossible d’habiter là. Pour quelques jours, il lui faudrait loger ailleurs. Que d’embêtements ! Il sortit de sa boutique.