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fin de roman

sement, » déclaraient le lendemain les journaux, « les pertes sont complètement couvertes par les assurances. »

Les messieurs Lemasson dont les affaires n’allaient pas très bien depuis quelque temps, touchèrent quinze mille dollars. La compagnie d’assurance toutefois, chargea secrètement le bureau des détectives de faire une enquête sur les causes de la conflagration. Dans son rapport, le policier déclara avoir la quasi-certitude que le feu avait été allumé par « une main criminelle ». On se demanda qui pouvait bien avoir jeté une allumette enflammée sur le bois arrosé de pétrole. Tout de suite, le détective chargé de l’affaire et informé du renvoi de Dumur fut convaincu que c’était là le coupable. À vrai dire, il n’avait aucune preuve, mais son flair lui disait que c’était lui. Adroitement, il l’interrogea, mais sans résultat. Croyant avoir affaire à un malin, à un rusé qui jouait bien son rôle, il se dit cependant qu’il finirait par trouver son point faible, par le pincer, et il confia à un camarade la charge de tendre le filet où l’autre devait inévitablement se faire prendre.

Entre-temps, Dumur avait trouvé de l’occupation chez un marchand de charbon. Déguisé en travailleur, le détective entra dans la place et s’efforça de gagner la confiance de Dumur, Il y parvint sans peine. Sans qu’il y parut, il le faisait parler, racontait lui-même sa vie passée, invitant ainsi l’autre à des confidences mutuelles. On causa donc des frères Lemasson, de leur clos de bois, du renvoi et de l’incendie. Et le détective s’indignait : « Vous avoir renvoyé sans raison après dix ans de bons services ! Ah ! Voyez-vous, moi, cela me révolte ! Je me serais vengé. » Dumur cependant restait coi, n’ayant rien à dire.

Mais tous les jours, la forte nature du détective prenait de l’ascendant sur l’esprit borné du pauvre ouvrier.