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fin de roman

nous montrent les cinémas. Eux étaient satisfaits de leur vie tranquille et n’aspiraient à rien de plus, si ce n’est à la santé.

La seule distraction que s’accordait Mme Frigon était une petite réception qu’elle donnait une fois par été, dans son jardin, pour quatre ou cinq voisines. Vêtue d’une petite robe bleue très simple — car le bleu convenait admirablement à son teint de blonde — elle servait alors des gâteaux, de la crème glacée et une tasse de thé à ses invitées. Lorsque celles-ci retournaient chez elles, il s’écoulait douze mois avant qu’elles reviennent.

Deux ou trois fois par été, M.  et Mme Frigon sortaient de leur ermitage et faisaient une courte promenade d’une vingtaine de minutes sur la route, en face du lac. Et alors, l’épouse s’appuyait au bras de son mari, son fidèle soutien. C’était là ses seules sorties de l’année.

À la fin du printemps de cette année-là, Estelle qui avait épousé M. Léopold Boisvert vint un dimanche passer la journée chez sa sœur en compagnie de son mari. Sa figure, sa démarche, ses attitudes laissaient clairement voir qu’elle était loin d’être bien. Comme question de fait, elle était extrêmement faible, minée par la maladie de la famille, la tuberculose. Ce qu’il y avait de plus triste dans son cas, c’est qu’elle avait deux enfants, deux fillettes de six et sept ans, et qu’elle risquait fort de les contaminer, de leur donner le germe de son mal en demeurant avec elles. Le médecin lui avait donné un sévère avertissement. Lui parlant gravement, il lui avait déclaré qu’il serait infiniment préférable de se séparer pour quelque temps des petites. Avec insistance, il lui avait conseillé d’aller faire un séjour dans un sanatorium, d’aller tenter une cure possible à Sainte-Agathe, dans les Laurentides. Elle n’avait pu ac-