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fin de roman

cepter cette idée, se résoudre à cette mesure. Pour sûr, qu’elle s’ennuierait à la mort loin de sa famille, au milieu d’étrangers. Alors, elle et son mari avaient songé à ce qu’elle aille passer l’été chez Mme Frigon.

— Mais oui, viens-t’en ici. Tu te reposeras, je te soignerai et ton mari pourra venir te rendre visite chaque dimanche, déclara sa sœur.

M. Frigon approuva d’un signe de tête.

Et c’est ainsi que Mme Boisvert vint s’installer pour l’été dans l’ermitage de M. et Mme Frigon.

Tous les jours, à travers les branches touffues des saules entourant la propriété, les voisins apercevaient les deux sœurs, deux têtes blondes, étendues sur des chaises longues, au soleil, en avant de la maison. Elles passaient là des heures entières sans bouger.

Estelle était malade, bien malade. Elle s’en rendait compte et elle avait perdu tout courage, tout espoir de revenir à la santé. Lorsqu’elle reposait silencieuse, elle songeait à ses enfants dont elle était séparée. Qu’allait-il arriver ? L’avenir lui paraissait bien sombre. Toutefois, son mari venait chaque dimanche passer la journée près d’elle.

Les semaines s’écoulaient et Estelle devenait de plus en plus faible. Sa sœur s’efforçait de l’encourager, de lui remonter le moral. Le médecin qui venait de temps à autre paraissait cependant pessimiste.

Vers le milieu de l’été, Estelle reçut un jour une lettre. C’était une note anonyme l’informant de la trahison de son mari. À sa lecture, sa figure prit une expression infiniment douloureuse. L’auteur de cette nouvelle — une femme à n’en pas douter — lui mandait qu’on rencontrait chaque soir M. Boisvert en compagnie d’une jeune fille employée au même magasin que lui. La malade gardait le feuillet