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RÉFLEXIONS

comporte toute affaire. Le fou, lui, y va hardiment et souvent la fortune le favorise.

Causant de littérature, j’ai entendu un jeune journaliste ayant à peine six mois d’expérience déclarer : Chez nous, tout le monde fait de la critique littéraire. Le chef vous remet un livre en vous disant : Faites-moi un quart de colonne. Alors, n’importe quel fou, ignorant par surcroit, ainsi bombardé critique — le journaliste de par sa profession doit pouvoir écrire sur n’importe quel sujet — lira au hasard quelques pages du bouquin et pondra ensuite cent lignes, portant sur l’œuvre qu’un garçon de talent aura pris un an à écrire, un jugement qui sera gobé par le lecteur et considéré comme parole d’évangile.

Dans le vaste domaine des connaissances humaines nous héritons d’un lot d’idées et de notions qui nous sont transmises par nos aînés ou par de prétendus savants et de théologiens, que, sans les vérifier, nous acceptons comme articles de foi. Moi, j’ai voulu à la lueur de la raison et de mes connaissances juger par moi-même et j’ai par suite mis de côté un tas d’opinion léguées par des gens qui tirent leur autorité de notre paresse cérébrale et du fait qu’ils ont vécu des siècles avant nous.

« Ma grande joie, » déclare le soi-disant romancier X. « c’est de noircir du papier. » « Il n’a jamais dit si juste. » remarque le critique Z. « Il est comme un enfant qui barbouille des feuillets. Seulement, celui-ci est sans prétentions, tandis que X s’imagine faire de la littérature. »