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MALADIVES IMAGINATIONS


L’hôpital était bâti dans la banlieue de la grande ville. C’était un vaste édifice en brique, de cinq étages, entouré de trois côtés par des terrains vagues. En avant, était la rue avec sa continuelle procession d’automobiles, de tramways et de piétons. Parmi tous les genres d’hôpitaux, celui-ci était incontestablement le plus triste qui soit : un hôpital pour incurables, un hôpital de femmes. Elles étaient là une centaine de tout âge, de quinze à quatre-vingt-dix ans, souffrant de tous les maux qui affligent l’humanité. Elles étaient venues là à pied, en auto, dans des voitures d’ambulance, mais toutes savaient qu’elles n’en sortiraient que dans leur cercueil. Lorsqu’elles avaient franchi le seuil de l’édifice, elles n’ignoraient pas qu’elles étaient condamnées, qu’elles ne pouvaient guérir et qu’elles devaient se résigner à leur sort. La maison où elles entraient était l’antichambre de la mort.

Le soir, le soleil couchant mettait des lueurs fulgurantes, de longues traînées d’or dans les fenêtres, mais à l’intérieur, il n’y avait rien de bien glorieux. Seulement la misère morale et physique des pauvres patientes qui se rattachaient quand même à leur pitoyable existence et n’envisageaient qu’avec effroi la délivrance finale.

Souvent, la nuit, les malades qui ne pouvaient dormir et qui geignaient dans leur lit entendaient le halètement de puissantes locomotives remorquant de lourds et interminables convois de marchandises qui allaient et venaient sur les voies d’évitement tout près et le bruyant éclatement de la vapeur s’échappant des cylindres. Certaines nuits, ces halètements et ces voix sonores de l’engin s’entendaient pendant des heures, comme si les mécaniciens se fussent amusés à ce jeu.

Parfois, après avoir longtemps langui, l’une des pension-