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IMAGES DE LA VIE

naires de l’institution mourait enfin. On la conduisait au cimetière, mais sa place était immédiatement prise par une autre, car il y avait toujours une longue liste d’infortunées qui n’attendaient qu’un lit vacant pour entrer. Et l’on faisait cette désolante constatation que le nombre des pauvres malades incurables allait sans cesse en augmentant. L’on avait beau agrandir les hôpitaux actuels, en construire de nouveaux, il y avait toujours des malheureux qui demandaient un refuge.

La vie à l’hôpital était la même que dans les autres établissements similaires : monotone, morne et déprimante. Puis, comme si ce n’était pas assez de souffrir de leurs afflictions, quelques-unes des patientes commencèrent à se plaindre de la nourriture ou plutôt du manque de nourriture. L’on crevait de faim dans cette maison. Souvent, les malades ne recevaient qu’un morceau de pain sec pour leur repas. Naturellement, les parents et les amis étaient indignés. Comment, dans une institution grassement subventionnée par l’État, les malades étaient privées du nécessaire, ne mangeaient pas à leur faim ! C’était révoltant. Nul doute que le directeur devait spéculer sur l’entretien des pensionnaires. Sûrement qu’il devait s’enrichir à leurs dépens.

Ensuite, ce fut autre chose. Quelque chose de terrible et d’incroyable. Une jeune fille de dix-huit ans admise depuis une couple de mois à l’hôpital, causant avec une visiteuse lui raconta tout bas, de peur d’être entendue, l’étrange fait suivant : Il y avait une garde de nuit. Or c’était un homme habillé en femme et, dans les ténèbres, il violait les malades, celles principalement qui ne pouvaient parler. Les autres, il les terrorisait et les forçait à garder le silence. La chose était si extraordinaire, si stupéfiante que la dame resta abasourdie. En sortant, elle se demandait comment pareille chose pouvait se produire. La jeune malade toutefois paraissait bien certaine de ses avancés. Deux semaines plus tard, lors d’une nouvelle visite à la jeune fille, celle-ci déclara qu’une pensionnaire affolée par la peur de l’homme habillé en femme s’était jetée sur le sol d’une fenêtre du cinquième étage. La visiteuse se rappela alors avoir lu dans le journal un fait divers relatant qu’une pensionnaire d’un hôpital qu’on ne nommait