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Page:Laberge - La Scouine, 1918.djvu/107

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XXVI.



COIFFÉE d’une cuve qui lui protégeait la tête, les épaules et les bras, le corps penché en avant, la Scouine courait sous l’averse. Elle s’en allait rapporter à Marie Charrue, femme de Tofile Lambert, le baquet emprunté la semaine précédente. L’eau lui ruisselait sur les jambes et elle pataugeait dans la boue sur la route tortueuse. Assis sur un tas de copeaux, sous la remise, Piguin et le Schno, les deux idiots, frères de Tofile, regardaient silencieux tomber la pluie. À trois pas d’eux, une poule noire abritait sa couvée. Toujours courant, la Scouine pénétra sous l’appenti. Piguin lui fit une grimace et le Schno la pinça sournoisement comme elle passait près de lui. La Scouine laissa tomber sa cuve, frappa à l’huis et entra.

Un moment après, le Schno se leva, et allant chercher une poignée de sarrasin dans un sac tout près, le lança sur le sol, à côté de la poule. Celle-ci accourut en gloussant, et se mit à becqueter vivement les grains épars. Les poussins l’imitèrent. Alors, le Schno, s’emparant d’une fourche d’acier, et s’en servant comme d’un dard, embrocha l’une des petites bêtes, puis une deuxième et une troisième. Les ailes écartées, la mère s’élança vers le fou. Piguin amusé, riait. Soudain, la porte de la maison s’ouvrit, et le Schno reçut dans les reins un violent coup de pied qui l’étendit contre terre. C’était Tofile, l’aîné qui intervenait.