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Page:Laberge - La Scouine, 1918.djvu/108

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LA SCOUINE

— Sacré brute, jura-t-il, je vais t’apprendre à tuer mes poulets.

Et il se rua sur son frère renversé, lui envoyant un nouveau coup à la figure. Le Schno se releva la bouche sanglante et se précipita hors du bâtiment, sous la pluie. Piguin regardait Tofile d’un air épouvanté.

— Et toi, reprit ce dernier encore furieux, en s’adressant à l’autre fou, pourquoi le laissais-tu faire ? Vous êtes deux misérables et vous vous passerez de souper, ce soir. Tu ne mangeras pas, tu entends ? Piguin se mit à trembler.

— Tiens, reprit Tofile qui ne dérageait pas, vous allez aller creuser le fossé à côté.

L’idiot hésita un moment, ne comprenant pas.

Prends la bêche et marche faire le fossé, hurla Tofile.

Piguin prit l’instrument qu’on lui désignait et s’éloigna. Tofile rentra alors.

Piguin et le Schno se tenaient là tous les deux au bord du chemin, pénétrés par la pluie qui tombait à torrents. Et le Schno saignait toujours à la bouche et portait maintenant une marque bleue à la jambe.

La pluie cessa et le soleil reparut ardent. Lourde, accablante, était l’atmosphère.

Tofile sortit de sa maison, une vieille masure faite de poutres dont les interstices étaient remplis avec de la bouse de vache au lieu de mortier. Il jeta un coup d’œil du côté de la route et aperçut ses deux frères immobiles. Il ramassa un bâton et en quelques pas, les rejoignit.

— Ah ! c’est comme ça que vous creusez le fossé, paresseux ! Je vais vous apprendre à travailler et plus vite que ça.