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LA SCOUINE

saient détournaient leur visage pour ne pas la voir, et pour les enfants, elle était la première image de la mort.

Là-bas, une étoile jaune dardait son regard louche, mauvais, et l’on sentait peser sur la demeure marquée du signe fatidique, l’influence des astres.

Pas une seule lumière ne brillait aux fenêtres des maisons où les gens, les membres lourds de fatigue et tombés à l’abîme du sommeil digéraient péniblement, avec des cauchemars, le souper du soir, pour se remettre au joug le lendemain, et reprendre avec les soucis et les tracas la rude tâche quotidienne.

La nuit noire écrasait la campagne.

Des meuglements de vaches par moments déchiraient le silence, appel obscur et incompréhensible jeté dans le vague des ténèbres.

Et, le coassement monotone des grenouilles dans les fossés, petite note grêle et métallique, d’une infinie tristesse, montait comme une plainte vers les rares, vers les lointaines étoiles.

Charlot fit le tour de la paroisse, annonçant le décès de son père recommandé aux prières le dimanche précédent comme dangereusement malade. Il invitait les gens à aller aux funérailles.

— Vas-tu au service ? demanda l’un des voisins du défunt à Frem Quarante-Sous venu pour le voir.

— Non, répondit-il. J’irai à celui du père Larivière. I va mourir betôt.

La Scouine et sa mère citaient les noms de ceux que l’on verrait probablement.

— Y a l’vieux Roy, de Sainte-Martine, qu’on devrait avertir. C’était un des grands amis de ton père. Tu devrais lui écrire, remarqua Mâço.