II.
ES années ont passé. Le fermier Deschamps
acharné à la tâche, et voulant acquérir
de beaux deniers pour ses enfants, n’épargnait
ni peine ni misères. Patient et
opiniâtre, il était satisfait de travailler toute
sa vie, pourvu qu’un jour, il put réaliser
son ambition. Âpre au gain et peu scrupuleux, il
avait parfois des difficultés avec ses voisins et alors,
il cognait. À différents intervalles, il avait acheté à
côté de la sienne, des terres pour Raclor et Tifa.
Dernièrement enfin, il était devenu le propriétaire
d’un troisième terrain qu’il convoitait depuis longtemps
et qui serait le patrimoine de Charlot. C’était
un lot de cent arpents, sis au bout des autres propriétés
de Deschamps, et se prolongeant jusqu’au
canal qui traverse la région.
Mâço continuait à faire du pain sur et amer, lourd comme du sable.
Caroline et Paulima étaient maintenant d’âge à aller à l’école et Mâço leur fit à chacune une robe d’indienne rose dont elles furent très fières. Les deux sœurs les étrennèrent un dimanche de mai et le lundi matin, elles partirent pour la classe. Elles emportaient, enveloppé dans un mouchoir rouge, leur dîner consistant en une couple de tartines arrosées de mélasse. Un peu intimidées tout d’abord, les bessonnes eurent vite fait de se dégêner. Elles occupèrent sur le banc des filles, les deux dernières places,