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LA SCOUINE

toutes labourées d’inscriptions au canif et tachées d’encre.

À midi, l’angelus récité, ce fut une brusque explosion de cris, de rires ; une échappée vers la porte des enfants allant dîner chez eux. Comprimée, étouffée pendant trois heures, cette jeunesse reprenait enfin ses droits. À la contrainte et au silence auxquels elle était forcée depuis le matin, succédait une exubérance de vie et de gaîté. Chacun mordait avec appétit à la tranche de pain de son dîner.

Clarinda et François Potvin eux-mêmes semblaient trouver délicieuse leur éternelle compote de citrouille. Tout de suite, Caroline et Eugénie Lecomte étaient devenues camarades. Très blanche de cette blancheur de clair de lune particulière à certaines religieuses ayant passé quelques années enfermées dans un cloître, blancheur rehaussée, exagérée par d’abondants cheveux châtain foncé, Eugénie avait une figure d’infinie douceur qu’illuminait à des minutes précieuses, un fin et discret sourire. Son air était modeste, timide, et ses yeux noirs possédaient un charme, une attirance irrésistibles.

Le groupe de jeunes filles alla voir les garçons jouer à la clef.

Après la prière, le soir, la maîtresse fit passer les élèves dans sa chambre afin de réciter l’office du mois de Marie.

Décorée avec un goût pieux, l’étroite et modeste pièce avait une apparence de chapelle. Des images du Sacré-Cœur de Jésus, du Sacré-Cœur de Marie, de Saint Joseph, de Saint Louis de Gonzague et de Saint Jean-Baptiste étaient épinglées aux murs. Sur la haute commode brune, recouverte de toile blan-