XVIII.
A maison fut construite, mais Charlot ne se maria
pas. Séduit par les grâces de Mlle Célina,
servante chez les Lussier, il lui fit quelques visites
et se posa en prétendant. Il lui apportait le dimanche
un sac de pastilles de menthe, des « paparmanes »
dans le langage de Charlot. Dans des causeries simples
il formula son rêve : vivre ensemble bien tranquillement,
avoir une grande basse-cour, et faire l’élevage
des volailles, ce qui ne demande pas beaucoup
de travail et rapporte de beaux bénéfices. Naturellement,
il parla de sa maison qui l’attendait, qu’il habiterait
en se mariant. En manière de madrigal, il
ajouta que son plus grand désir était d’y faire entrer
une jolie fille comme celle qu’il suppliait d’être sa
femme. Son bien était clair et net, et il était impossible
de ne pas être heureux. Peut-être la servante
se serait-elle laissée gagner par cette promesse de vie
facile, par la certitude de l’existence assurée, sans
les machinations d’un gas arrivé depuis une couple
d’années dans la paroisse et employé comme manœuvre
chez Raclor. Ce garçon, beau parleur, d’humeur
joviale, et ayant quelque peu voyagé, n’eut pas plutôt
appris les assiduités de Charlot auprès de Mlle Célina qu’il se mit en tête de le supplanter. Guilbault,
— c’était le nom du valet de ferme — n’eut qu’à se
présenter pour vaincre. Un soir, lui et Charlot se
rencontrèrent auprès de leur belle. Le nouveau venu
sut intéresser et amuser Mlle Célina. Elle fut charmée,
séduite, et oubliant le pauvre Charlot, ne lui