Page:Laberge - Le destin des hommes, 1950.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
LE DESTIN DES HOMMES

ne pas s’éterniser dans ses pérégrinations. Ses moyens ne le lui permettaient pas. Tout simplement, il ferait un voyage de deux mois. À son retour, il se mettrait à la besogne, satisfait d’avoir vu les pays qui, depuis longtemps, hantaient son imagination.

Depuis son retour du collège américain, Philémon Massé était resté en rapport avec son ami Fagan. Ils s’écrivaient de temps à autre, se tenant au courant de leur vie. Comme ce dernier l’avait annoncé dans le temps, il était entré dans le bureau de son père et, sous la direction avisée de celui-ci, il faisait très bien.

Massé, lui, était moins enthousiaste. Il informa toutefois son ami qu’il était sur le point de partir en voyage. Quelques jours plus tard il s’embarquait pour l’Angleterre où il arrivait après une traversée de sept jours.

La malchance le guettait car le deuxième jour de son arrivée à Londres il fut frappé et renversé par un taxi. À l’hôpital où on le transporta, les médecins constatèrent qu’il avait subi une double fracture de la jambe gauche. Vraisemblablement il serait immobilisé pendant près de deux mois. On comprend son désespoir. La première semaine fut particulièrement pénible car il n’avait jamais été malade et il se trouvait soudain cloué dans son lit, incapable de bouger. Il se sentait comme perdu dans cette maison étrangère. Les seules visites qu’il avait étaient celles du médecin qui passait rapidement, une minute à peine, auprès de chaque patient, et celle de la garde qui lui prodiguait ses soins. Tout d’abord celle-ci parut distante, accomplissant mécaniquement ses fonctions, mais, le voyant si seul, sans un parent ou un ami, et le trouvant si sympathique, si reconnaissant pour ses services, elle s’humanisa, prit l’habitude de causer un moment tout en vaquant à son travail. Lorsqu’il entendait son pas feutré, à peine per-