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Page:Laberge - Le destin des hommes, 1950.djvu/219

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LE DESTIN DES HOMMES

son cœur se fondait en un hymne qui était comme une prière.


Deux des proches voisines de la marchande avaient chacune un matou qui étaient toujours en guerre. Invariablement, chaque soir, ils étaient là à miauler, à s’invectiver, à s’injurier et à se provoquer en langage de matous. Puis, finalement, ils se battaient, se griffaient, se mordaient, se déchiraient. Cela ne manquait jamais. Un jour, l’un des deux rivaux arracha d’un coup de griffe un œil à son adversaire. La propriétaire du chat blessé dut le tuer, mais, une nuit, elle fit disparaître l’autre dont on retrouva le cadavre plus tard. Alors, pendant quinze jours, l’on n’entendit parler dans le village que de la querelle entre les deux commères, provoquée par le meurtre du matou.


Il n’y a pas d’électricité à Lavoie, mais un voisin de la veuve Rendon, homme ami du progrès, s’est fait installer une batterie qui actionne l’appareil de radio et la machine à laver. « Le radio sévit du matin au soir », déclare la marchande. On ne peut s’entendre parler. C’est ça la grande paix de la campagne ? Le tapage des tramways à la ville est moins énervant.

Puis, il y a un jeune homme des rangs, un garçon d’habitant, qui s’est acheté une motocyclette, et il passe en trombe une partie de la nuit en pétaradant dans le village, faisant un vacarme infernal. « Un vrai fou ! » affirme la veuve Rendon. « Impossible de dormir. »

L’on bâtit une maison. Pendant une semaine, l’on entend le bruit des masses de fer cassant des pierres pour le solage. Ensuite, de six heures du matin à dix heures du soir, c’est, pendant un mois et demi, le tintamarre des marteaux enfonçant des clous. Une vraie belle musique !