Aller au contenu

Page:Laberge - Peintres et écrivains d'hier et d'aujourd'hui, 1938.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un jour, Cullen découvrit la région du nord, les Laurentides. Il fut émerveillé. Ce fut une splendide révélation. Pour s’identifier à ce coin de terre, il se construisit un chalet sur la rivière Cachée, au Lac Tremblant et, à partir de ce moment, il devint le peintre des Laurentides.

Pendant plus de 25 ans, il s’est attaché à rendre l’image, la physionomie de ce pays au commencement et à la fin de l’hiver. Il nous a montré la première neige tombant sur les montagnes dépouillées par le vent et le froid de leur écla­tante parure de l’automne. Il a représenté les versants des monts, leur cime, couverts de la nouvelle neige, une neige qui est non pas le symbole de la mort, mais une neige moelleuse qui semble avoir la douceur des fleurs de cerisiers. Après la glorieuse apothéose de l’automne, après les tons de pourpre et d’or, les montagnes, dirait-on, sentent le besoin de se recueillir et elles s’enveloppent d’un blanc vêtement. Et pendant des mois, dies vont se reposer, rêver, croirait-on. Doucement, lentement, la neige tombe sur elles. Maurice Cullen s’est plu à rendre les montagnes recouvertes de blan­cheur caressante. Il les a montrées alors que le dernier rayon de soleil déjà caché par la masse des monts rosit la cime nei­geuse et l’illumine de son dernier reflet. L’on sent comme cette lueur est brève, fugitive, et l’on devine l’ombre, l’obscu­rité, qui viendront ensuite. L’on éprouve l’angoisse de ces froides ténèbres qui, dans une heure, envelopperont cette na­ture solitaire, silencieuse et glacée.

Et Cullen a peint les montagnes au printemps lorsque le soleil fait sur la neige d’éclatantes taches bleues ou roses, lu­mineuses, et montre par endroits la terre brune qui, bientôt, reverdira. Il montre le dégel, la neige fondante et, au pied des montagnes, la rivière qui, ayant déjà brisé sa prison de glace, roule une eau noire, tragique et mystérieuse.

Pendant la guerre, Cullen fit partie du groupe de pein­tres canadiens que le gouvernement envoya sur les champs de bataille pour représenter les scènes des conflits, le théâtre des carnages. Une dizaine de ses toiles figurèrent à l’exposition de tableaux de la guerre tenue en 1919.

La consécration officielle du talent de Maurice Cullen se produisit à la fin de 1930 alors qu’une exposition rétrospec-