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Page:Laberge - Peintres et écrivains d'hier et d'aujourd'hui, 1938.djvu/82

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humaines disparues et retournées en poussière après l’avoir contemplée. Et ce disque pâle, si lointain, ce disque glissant dans l’espace infini au-dessus de la terre, ce disque solitaire dans l’immensité du firmament donnait à l’âme une extraordinaire impression de silence, un silence complet, absolu, religieux, oppressant. Certes, Rosaire avait créé là trois toiles d’une haute valeur artistique.

En 1916 également, au Salon du printemps, l’artiste exposa Sap Buckets, incontestablement l’un des meilleurs tableaux qu’il a peints, un véritable joyau. Le peintre avait représenté un bois d’érables au printemps, à l’époque des sucres. À chaque arbre était accrochée une chaudière pour recueillir la sève. Ces chaudières peintes en rouge resplendissaient au soleil et faisaient des taches de couleur du plus bel effet. Rosaire avait créé là une œuvre vraie et fort agréable à contempler, une oeuvre d’une très heureuse inspiration.

Rosaire rêvait de grandes choses. Il se mit à l’œuvre. Il travailla longtemps, avec ardeur, avec joie, avec enthousiasme, car il avait trouvé un sujet, susceptible croyait-il, de plaire aussi au public. C’était un grand jardin le soir, un jardin décoré en vue d’une fête et éclairé par une multitude de lanternes japonaises. L’artiste avait brossé là une vaste composition fort décorative, pleine d’imagination et de poésie et d’un riche coloris. Il avait peint là une œuvre de tout premier ordre qui proclamait hautement le talent d’un maître. Le tableau était intitulé Garden of Light et il figure aujourd’hui dans la collection de la National Gallery, d’Ottawa. Il provoqua une critique hostile aussi injuste que stupide. Voyant ses efforts incompris, Rosaire, découragé, décida de partir et de s’en aller quelque part, ailleurs. Son choix s’arrêta sur la Californie. À la hâte, il vendit sa maison et s’en alla à Los Angeles. Là, s’efforçant d’oublier, il se remit à l’œuvre. Deux ans plus tard, il donna une exposition individuelle dont les journaux de là-bas parlèrent d’un ton sympathique et avec éloges. Cependant, il trouvait monotone, disait-il, l’éternel ciel bleu de la Californie, ciel sans nuages, toujours limpide et pur. Tout de même, il travaillait ferme. Un jour, en novembre 1920, Rosaire envoya de Los Angeles à Montréal un tableau, California Mission, qui figura au sa-