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Page:Laberge - Peintres et écrivains d'hier et d'aujourd'hui, 1938.djvu/81

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Les années qui suivirent montrèrent que Rosaire était un travailleur enthousiaste, consciencieux et persévérant. Et pendant tout ce temps, il progressait constamment. Il avait at­teint la plénitude de son talent et il avait acquis une tech­nique qui le classait parmi nos artistes les mieux doués. Plus que jamais il était désireux de s’affirmer, de créer des œuvres personnelles, d’exprimer la vision de beauté qui était dans son cerveau. Il travaillait ferme.

En 1914, il envoya quatre paysages au Salon : Early Mor­ning, Mulet River, Spring Time et Fall sunlight, midday. Il eut la satisfaction de se voir nommer membre associé de l’A­cadémie Royale Canadienne.

Cet encouragement l’avait stimulé et, le printemps sui­vant, en 1915 il exposait cinq toiles dans lesquelles il avait mis les qualités de coloriste et de subtil interprète de la na­ture qui étaient en lui. Son principal tableau était Grey Nunnery Church, vaste peinture largement et vigoureuse­ment brossée qui attestait tout le talent et le tempérament de l’artiste. C’était là une œuvre fortement sentie et magistrale­ ment exécutée, l’une des meilleures à coup sûr de toute l’ex­ position. Mais, chose étrange, cette toile valut à son auteur une critique hostile et dénuée de tout fondement, critique de pion incapable de sentir la beauté et la grandeur d’une œu­vre. Rosaire ressentit amèrement cette attaque. Après s’être surpassé pour ainsi dire, il était atterré du manque de com­préhension de celui qui se mêlait de le juger. Tout de même, il se remit à l’œuvre et au Salon de l’Académie Canadienne en 1916, il exposait trois peintures de sa meilleure palette : The Play hour, Solitude et In the Silence of the moon. La première représentait un troupeau d’oies évoluant paisible­ ment, gracieusement sur une calme rivière bordée de grands arbres. C’était là un tableau agréable, décoratif et empreint d’un grand charme. Solitude nous faisait voir un lac encadré de sapins sombres au pied d’une montagne. Nous avions là une composition d’un grand sentiment poétique. La dernière des trois peintures était un effet de nuit, une nuit éclairée par une lune pure, blanche et froide qui planait au fond du firmament, une lune qui disait les millions de siècles écoulés depuis son apparition au ciel, les innombrables générations