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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

mais dans mes veines, le sang bouillonnait ardent comme la lave.

Soudain, comme un bandit qui se précipite sur le passant qu’il veut assommer et dévaliser, je me ruai sur ma proie et je la repoussai, ou plutôt, je la bousculai jusque sur mon lit où rudement, rapidement, furieusement, je la violai plutôt que je la possédai.

L’acte brutal accompli, je restais stupide, hébété. Je regardais cette vieille femme à cheveux blancs, les jupes en désordre sur ma couche. J’éprouvais une honte indicible et j’aurais voulu que la terre s’entr’ouvrit pour m’engloutir et me dérober aux yeux de celle que je venais ainsi d’outrager. Je me trouvais méprisable, ignoble.

Ma victime s’était remise debout.

Éperdument, je me jetai à ses pieds, lui demandant pardon, la suppliant d’oublier ce que j’avais fait. Silencieusement elle me regarda un moment avec douceur, me releva, m’embrassa et, ses deux mains posées sur mes épaules :

— Jeune homme, me dit-elle, quand vous aurez mon âge vous serez bien aise de trouver une fille de vingt ans dans votre lit.