LA VIEILLE
’AVAIS été très occupé cette veille de Noël et il était
près de huit heures lorsque j’entrai dans le petit restaurant
italien du boulevard Saint-Laurent où j’allais
souper chaque soir. La salle était presque déserte lorsque
j’y pénétrai, la plupart des clients étant déjà partis pour
retourner chez eux. Dans le moment, je ne vis que le vieux
surnommé saint Joseph par les habitués parce que, travaillant
dans les fleurs artificielles et allant souvent en porter à
quelque client après son repas, il arrivait tenant à la main
un long bouquet multicolore de roses en papier ce qui lui
donnait une vague ressemblance avec le portrait du charpentier
Joseph que l’on voit sur les images de piété et sur
les chromolithographies accrochées au mur dans les familles.
J’étais affamé et après un bref bonjour à saint Joseph, je fis
honneur au spaghetti, au rizotto et au gorgonzola que
m’apporta la souriante Dorina, la petite bonne de l’établissement.
J’étais à prendre mon café lorsque j’aperçus, assis
à une autre table, un peu plus loin, mon ami le peintre-poète
Paul Rebec. Je l’observai un moment, car c’était une