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Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/128

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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

— C’est bon. Dans ce cas-là, on publiera dans quinze jours. Puis, je te donnerai de l’argent et tu iras en ville t’acheter une belle robe et un chapeau.

Maintenant, Françoise se demandait si c’était elle ou le notaire qui avait perdu la boule. Elle rentra à la maison.

— Le notaire a l’esprit dérangé ben sûr, déclara-t-elle naïvement à Zéphirine. Il m’a demandée en mariage.

Zéphirine parut stupéfaite.

— Il avait pourtant pas l’air d’un homme qui pense au mariage. Jamais j’aurais cru qu’il était amoureux de toi ni de personne. Et qu’est-ce que tu as dit ?

— Ben, le notaire m’a demandée et j’ai dit oui.

Le lendemain, monsieur Daigneault annonça qu’il partait pour Montréal. Il reviendrait le soir. Là-bas, il alla voir un dentiste pour se faire faire un râtelier. Il fallait bien se meubler la bouche pour se marier.

À quelques jours de là, ce fut Françoise qui prit le train, un matin. Elle revint avec une robe de soie bleue marine, un chapeau, des bottines et un corset… un corset. Elle n’en avait jamais porté auparavant, mais quand on se marie !

La publication des bans de monsieur Anthime Daigneault dit Lafleur avec Françoise Marion, sa servante, causa tout un émoi dans la paroisse. Comme bien on pense, les commentaires furent variés.

Le mariage eut lieu. Le notaire étrennait un beau complet gris et son râtelier, et Françoise, sa robe bleue et son corset.

Monsieur Daigneault était l’ami de la paix et du confort, aussi jugea-t-il inutile de se déranger et se fatiguer pour faire un voyage de noces.