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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

n’était pas l’homme à recueillir des successions. Il était incapable de marcher sur les traces de ses amis.

Cela lui répugnait physiquement.

Malgré tout, ils s’étaient laissés bons amis.

Vers cette époque un groupe d’hindous de l’Inde française vint visiter le Canada. Le hasard fit qu’Alice rencontra l’un de ces voyageurs, médecin à Pondichéry. Dès cette brève rencontre, une passion naquit, un attachement se forma entre ces deux êtres si différents. Tous les jours, tous les soirs, ils se voyaient. Ils semblaient ne pouvoir se passer l’un de l’autre. Le médecin hindou proposa à Alice de partir, de s’en aller avec lui aux Indes.

— Nous nous marierons là-bas, lui promit-il.

— Mais j’ai ma nièce qui habite avec moi, qui est seule et que je ne puis abandonner.

— Mais, amenez-la. La maison est assez grande pour nous trois.

À la hâte, elle se défit de ses meubles, les vendant presque pour rien, les sacrifiant, les donnant pour ainsi dire. En dehors de son linge, de quelques bibelots qu’elle gardait comme souvenirs elle n’emportait avec elle que la tête en marbre provenant de Léo Destrier.

La nièce âgée de quinze ans était enchantée à l’idée de faire un si grand voyage.

Avant de partir, Alice voulut dire adieu à Adrien Clamer qui s’était montré serviable et avait agi envers elle en véritable ami.

— Oui, je m’en vais avec un noir. Mais c’est un beau noir, ajouta-t-elle en souriant.

La passion, l’amour, brillaient dans ses yeux.

Que faire ? Que dire ? À quoi bon prononcer d’inutiles paroles ? Laisser la vie suivre son cours, laisser le