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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

C’en était une qui aurait de la misère maintenant à marier un homme de profession. La fille alla faire ses couches dans une maison spéciale. On disait aux pensionnaires qu’elle était allée soigner une de ses tantes malades. Heureusement pour elle, son petit mourut. Un mois après son retour à la pension, elle acceptait l’offre d’un logeur de sa mère d’aller vivre en chambre avec lui. Elle partit.

Mauvais commencement pour les ambitions de Mme Thomasson.

La mère n’avait plus que trois filles avec elle.

M. Omer Bézières, l’un des pensionnaires qui étudiait pour être notaire paraissait trouver Clarinda fort de son goût. Il lui tournait constamment des compliments. C’était toutefois les seuls cadeaux qu’il lui faisait, car il n’était pas prodigue, bien que son père, un vieux contracteur, de Québec fut assez riche et ne le laissât manquer de rien. Mme Thomasson avait l’œil ouvert. Elle ne voulait pas que Clarinda eût le sort de sa fille aînée. Au temps prévu, M. Bézières fut fait notaire. Mme Thomasson avait maintenant des espérances pour sa fille. M. Bézières se loua un bureau, mais il continua de manger et de demeurer chez elle. Mme Thomasson le soignait particulièrement car elle croyait bien qu’il se déciderait à épouser Clarinda qui ne le regardait pas d’un mauvais œil. Celle-ci toutefois, était surtout fatiguée de rester dans une vieille maison, de balayer de vieux tapis usés, d’épousseter de vieux meubles laids et communs, de coucher avec sa sœur dans un vieux lit où il n’y avait jamais que des draps déchirés et des couvertures si minces, si élimées, que l’on grelottait toute la nuit l’hiver, et aussi, de toujours manger les restants de plats, les fonds de chaudrons, après que les pensionnaires avaient été servis. Elle aurait accepté M.