JOURS D’HOSPICE
LS sont deux vieux qui finissent leurs jours à l’hospice,
deux vieux qui attendent la mort. Lui, il a quatre-vingt-treize
ans et elle, quatre-vingt-neuf. Ils ont été
mariés soixante-dix ans. Pendant le nombre de jours formidable
que cela représente, ils se sont usés au travail, ils
se sont déformés, affaiblis, enlaidis. Ils ne se sont pas
enrichis. Ils ont toujours été pauvres. Lui, il avait ses
mains et ses bras et il exerçait un métier. Le matin, il
prenait son niveau et sa truelle et, pendant tout le jour,
patiemment, consciencieusement, il posait des briques ou de
la pierre qui devenaient de grands et hauts édifices. Le
soir, sa tâche accomplie, il déposait ses outils. Ensuite, il
retournait à son humble logis ou l’attendaient la soupe et
le bouilli.
Ce ménage n’a jamais eu d’enfants et tous leurs parents sont morts à ces deux vieux. Ils finissent leur existence à l’hospice. Leur vie active s’est écoulée lentement, prosaïquement, sans événements, sans dates marquantes, sans heurts, sans secousses, terne, monotone. Elle, un jour, elle a fait un pèlerinage à Sainte Anne de Beaupré, en ba-