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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

— Elles nous attendent à la porte du théâtre, répondit l’autre.

Tout de même, ils arrivèrent les premiers. Ils attendirent sept à huit minutes devant le cinéma.

— Tiens, les v’là, fit Louis. Deux brunes arrivaient.

Minces, coiffées à la garçonne, les lèvres rouges, le bout du nez enfariné, les ongles peints, deux unités de la série de cent mille dans la grande ville.

— Gilberte, c’est Tout P’tit, fit Louis en s’adressant à l’une des filles.

Ce fut la présentation.

Gilberte s’esclaffa, répétant : C’est Tout P’tit !

Et Tout P’tit était un peu vexé de cette manière baroque de le présenter à la petite. Puis, il était désappointé. Il aurait aimé autre chose que cette banale poupée. Ce fut lui qui acheta les billets.

Vraiment, le spectacle était intéressant, le scénario original et les interprètes, des artistes de talent, mais les filles ne tardèrent pas à dire que c’était « platte ». Peut-être ne comprenaient-elles pas. Elles étaient communes, vulgaires, parlaient haut, riaient aux éclats à une scène dramatique. La compagne de Tout P’tit se collait la jambe contre la sienne. Lorsqu’elles proposèrent de sortir, Tout P’tit se sentit soulagé. Ils marchèrent pendant quelques minutes, puis Louis les fit entrer dans un restaurant.

— Attendez-moé ici, fit-il. Je vais aller chercher l’auto.

En attendant, les deux filles et Tout P’tit prirent un « sunday cup ».

Son billet de deux piastres était bien entamé. Tout P’tit était déjà fatigué de sa soirée. Ces filles au rire bruyant, forcé, l’agaçaient. Il ne trouvait rien à leur dire.