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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

— Vous comprenez, sans air, sans soleil, dans sa cellule, là-bas, il n’a aucune chance de s’améliorer.

Alors, Mme  Prouvé alla chercher une vieille berceuse dans sa cuisine, l’apporta dans le salon et, appelant son fils, le fit asseoir dessus.

— Je voudrais bien avoir une chambre comme celle-ci, ajouta le médecin. Je me croirais au ciel.

Sur cette réflexion, il sortit.

Lorsqu’elle l’entendit descendre l’escalier, Mme  Prouvé referma partiellement les volets et ramena les rideaux à leur place, car autrement, se disait-elle, les tapis, les portières et le papier peint des murs perdraient leurs couleurs.

Tout P’tit demeurait assis, silencieux. Il se sentait malade, mais il n’avait aucune envie de guérir puisque la veuve du restaurant épouserait le conducteur de tramways. Le lendemain, il resta dans sa chambre. Il n’était pas tenté de retourner au salon. Sa mère ne fit aucune insistance pour l’y ramener. Elle referma soigneusement la porte. De nouveau, l’ombre régna dans la pièce.

Le lendemain, Mme  Prouvé et sa voisine, toutes deux balai en mains, se retrouvaient sur le trottoir.

— Le docteur est v’nu voir vot garçon, Mme  Prouvé ?

— Oui, il est venu, mais c’est quasiment comme s’il était pas venu. J’pense bien qu’il connait pas grand’chose ce docteur-là. Il jase, il jase, puis, il raconte des histoires de l’ancien temps et il dit que les remèdes ça vaut rien. Qu’est-ce que vous pensez de ça ? Si les remèdes ça valait rien, pensez-vous qu’il y aurait de grosses pharmacies à tous les coins de rues ? Moé, des remèdes j’en prends pas, j’suis pas malade, mais j’sais bien qu’c’est bon. Pis, il s’imagine que si Tout P’tit passait ses journées assis dans le