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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

depuis quinze jours changea, et la pluie commença à tomber. Il plut toute la soirée de l’arrivée de Tout P’tit, toute la nuit, toute la journée le lendemain et trois jours durant. Assis dans le solarium sans soleil, Tout P’tit regardait la pluie qui tombait interminablement et qui ruisselait sur le lac pendant que le vent arrachait les feuilles jaunies et les jetait dans l’eau où le courant les emportait.

Tout P’tit se sentait glacé dans tout son être. Puis, il se sentait seul, effroyablement seul. Il n’aspirait qu’à une chose, retourner chez lui, dormir dans sa chambre…

Lorsque la pluie eut cessé, il se fit conduire à la gare et retourna à la ville.

À tout moment, il avait de fortes quintes de toux. Plusieurs jours de suite, il eut des hémorragies.

De nouveau, le médecin fut appelé. Lorsqu’il arriva, Mme Prouvé aidée d’une femme de journée faisait son grand ménage. Tous les meubles étaient déplacés afin de balayer, laver, essuyer. L’aide de Mme Prouvé lavait les vitres des fenêtres. Il y en avait toujours une d’ouverte et le vend froid d’automne entrait dans la maison. L’on sentait des courants d’air glacé et humide. Il régnait là une atmosphère extrêmement désagréable.

Le médecin fut choqué de cela.

— Mais madame, dit-il, votre fils se meurt. Il me semble que vous pourriez bien attendre un peu pour faire ce travail.

— Mais docteur, répondit-elle. C’est le grand ménage d’octobre. Quatre fois par année, je fais le nettoyage général de la maison. Moi, je ne peux pas vivre dans la saleté.

Ah certes, elle était propre cette femme ! Du moment que les meubles étaient reluisants, que les peintures