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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

et il restait en avant. Le pére continuait de faire claquer son fouet, mais il tenait ses guides serrées.

— Celui qui perd paiera un flacon de gin, crie le pére.

— C’est correct, répond Tit Toine.

Et il tapait sur son cheval à grands coups de fouet. Le pére restait pas beaucoup en arrière. Tout de même, Tit Toine arriva à l’Hôtel du Peuple sept longueurs en avant de nous. On débarque et on entre. Tit Toine était tout glorieux. Le pére demande un flacon de gin.

— Ben, c’est à vot santé, m’sieu Verrouche, disait Tit Toine en prenant son verre.

— T’as un bon cheval, meilleur que j’pensais, déclare le pére. Tu pourras le vendre un bon prix à un commerçant américain.

— Mais il n’est pas à vendre, répliqua fièrement Tit Toine.

On reprend un autre verre, pis un autre, encore d’autres.

— Ça c’est vrai, t’as un bon cheval, répétait le pére, mais ma jument était fatiguée aujourd’hui. Elle venait de faire cinq milles. Sans vouloir te faire de peine, j’cré que j’te battrais ane autre fois.

— Vous badinez, m’sieu Verrouche.

Tit Toine commençait à être chaudasse et il était ben certain que son cheval pourrait battre la jument du pére tous les jours de la semaine.

— Écoute, Tit Toine, que dit le pére, on va trotter dimanche après-midi cinq milles pour cinquante piasses. Qu’est-ce que t’en dis ?

C’était comme si le pére eût demandé à Tit Toine : Veux-tu cinquante piasses ?

— Déposez vot argent, qu’il dit.