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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

tout juste pour ses écus. Bientôt, l’officiant, accompagné des deux enfants de chœur, l’un portant la croix, l’autre le goupillon et l’eau bénite, descendit dans le nef, s’approcha du pauvre catafalque surmonté d’une douzaine de maigres cierges, aspergea le cercueil, puis, après un dernier requiescat in pace, tourna et, d’un pas lent, sa large chasuble lui battant les reins, s’en alla vers la sacristie. Le service était fini.

Alors, les cloches tintèrent de nouveau. L’on descendit le cercueil de ses tréteaux et, dans un remuement de petits bancs poussés par les pieds et dans un bruit de pas, l’on sortit de l’église pour se rendre au cimetière, tout à côté. L’on entendait les cris des collégiens à la récréation, se livrant à leurs jeux dans la cour.

Pendant que penchés autour du trou béant, les fils, les parents et les amis regardaient la caisse funèbre, le corps du vieux Verrouche fut lentement descendu dans sa dernière demeure. Puis, les pelletées de sable et de gravier commencèrent à glisser sur le cercueil. Le fossoyeur et son fils accomplissaient méthodiquement leur besogne. L’un à la tête, l’autre aux pieds, ils faisaient couler dans la tombe le tas d’argile fraîche à côté de la tranchée. Serré dans un veston étriqué et coiffé d’un feutre cabossé, le vieux avait dans la bouche une chique de tabac et, de temps à autre, il lançait de côté un jet de salive jaunâtre. Le fils portait un chandail de grosse laine rouge déteinte, percé aux coudes et une casquette d’étoffe grise. Bientôt, la bière fut recouverte. Le vieux Baptiste Verrouche était effacé à jamais de la surface de la terre. Le sable et le gravier continuaient de tomber. Maintenant, la fosse était comblée. Alors les assistants commencèrent à s’éloigner. Il ne resta plus que les plus proches parents et une couple de voisins.