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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

angoissé. Au bout de six semaines, une lettre lui était arrivée. Louise reviendrait bientôt. Dix jours plus tard, ils s’étaient retrouvés. Deval avait tellement souffert, il était tellement une loque pantelante et douloureuse, qu’il était tombé éperdu dans les bras qu’elle lui tendait. Et la vie de joies charnelles, de tromperies et de trahisons avait recommencé.

Deux ans plus tard, elle l’avait quitté une seconde fois pour aller vivre à New-York avec un juif dont elle s’était infatuée. Elle n’avait pas eu de chance cependant et sa fugue avait été de brève durée. Deux fois son nouvel amant, violent et jaloux, avait tenté de la tuer. Alors, elle était revenue et, comme un chien affamé à qui l’on a enlevé son os et qui le retrouve, il avait repris la femme qui le torturait mais dont il ne pouvait se passer.

Des années avaient passé, puis, comme de vieux souliers qu’on met de côté, qu’on jette au rebut, elle l’avait délaissé une troisième fois, cette femelle, pour un solide et robuste constable, ivre la moitié du temps et qui l’avait mise enceinte. Découragée, affolée, dans des transes, elle était allé voir une avorteuse. Moyennant une rétribution élevée, la praticienne l’avait délestée du germe qui était en elle, mais Louise avait dû passer quelque temps dans le louche hôpital de la faiseuse d’anges. Alors, dégoûtée de son aventure, elle avait délaissé ce mâle pour retourner à l’ancien amant dont elle connaissait la faiblesse. Cette dernière aventure de Louise avait duré cinq mois et pendant ces jours, torturé par une jalousie féroce, Deval avait souffert une agonie sans nom. Constamment, il se représentait Louise et le gros constable aux bras l’un de l’autre. Pour la volupté, elle affectionnait les fins d’après-midi et chaque jour vers les quatre ou cinq heures, il croyait voir