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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

pouvaient jamais réussir. Et fallait-il qu’ils en fussent rendus loin ensemble tous les deux pour qu’il lui parle de l’essayer. Probablement aussi qu’elle n’avait jamais refusé lorsqu’un homme lui avait demandé de coucher avec elle, et alors puisqu’il lui avait proposé la chose, la conclusion était facile à tirer.

Louise s’était tue. Les deux promeneurs allaient sur la route déserte, dans les ténèbres. La note monotone des criquets emplissait la campagne, une petite note grêle, infiniment désolée, qui semblait sortir de la terre. Soudain, l’on entendit un grand bruit, comme si des douzaines de tonneaux vides avaient dégringolé sur une pente de rochers.

— C’est une voiture qui traverse le pont en bois, dit-elle. C’est incroyable ce qu’il est sonore. On dirait un train qui passe.

Ni maisons, ni granges maintenant, la solitude complète.

— Retournons, dit-elle.

Lentement, ils revinrent sur leurs pas, retrouvèrent le village avec ses habitations éclairées. Ils arrivèrent chez elle et allèrent s’asseoir sur la véranda, derrière le rideau de houblon qui masquait la place et les dérobait à la vue. Nul bruit. Le village était infiniment silencieux. L’obscurité noyait cet homme et cette femme. L’on ne distinguait rien, rien que la masse sombre et triste des montagnes entourant cette campagne.

Lui, il avait besoin de silence, d’un silence lourd, dont il se serait enveloppé comme d’un manteau, qui aurait été comme un pansement sur tout son être écorché par le récit de tout à l’heure. Mais elle, Louise, elle avait une rage de jaser, de répandre des paroles. Elle parlait de la