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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

— Allez, je vous prie, répondit la femme.

Lorsque son fils fut sorti, le père Goyette enleva les chaussures de Desmoy et la femme lui mit sous la tête un deuxième oreiller. L’homme ne bougeait pas. Ses yeux étaient vitreux. Sa bouche était grande ouverte et deux dents d’or qu’il s’était fait poser quelques jours avant son mariage luisaient dans le trou sombre, entre les lèvres violettes. On n’entendait pas son souffle.

Dans un lourd silence, la femme et le voisin attendaient, échangeant de rares paroles.

Au bout de sept à huit minutes qui avaient paru longues comme une heure, le médecin entra. Il était essoufflé, car il était vieux et avait marché vite. Il déposa son sac de cuir noir sur une chaise. Il regarda l’homme étendu sur le lit et tout de suite, sa figure prit une expression grave, soucieuse. Il lui mit la main sur le cœur, lui tâta ensuite le pouls, se pencha, collant l’oreille sur la figure pour entendre, saisir un souffle.

La femme expliquait :

— On avait soupé depuis une heure. Il est allé chercher une chaudière de charbon et l’a jetée dans la fournaise. Puis, tout à coup, il a chancelé et est tombé. J’ai voulu le relever, mais je n’ai pas pu. Alors je suis allée chercher de l’aide.

Le médecin avait ouvert la chemise de l’homme étendu sur le lit et avait posé sa main à nu sur le cœur et restait silencieux.

— Bien, il est fini, déclara-t-il enfin. Il était mort quand je suis arrivé, ajouta-t-il.

— Il est mort ! s’exclama la femme. Puis elle éclata en larmes et se mit à sangloter.

Elle s’arrêta un moment.