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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

ligne à la main. En bas, y avait Lucie. Son père avait loué un logis de mon père. Alle r’gardait en haut… J’élève la perche comme pour prendre un poisson ; alle frappe un glaçon et le glaçon i tombe sur la tête de Lucie. Alle s’fâche, alle pleure ; ça lui avait fait mal. J’avais d’la peine. J’me disais : alle voudra pus me r’garder, alle voudra pus m’parler. J’savais pas quoi faire… J’m’en vas r’trouver maman pis j’i dis : maman, j’jouais au pêcheur ; y a un glaçon qui est tombé sur la tête de Lucie. C’est pas d’ma faute ; je l’ai pas fait exprès, mais alle est fâchée. Pis, j’pleurais. Maman a m’dit : Pleure don pas, Omer. T’es bête. Tu sais ben qu’a peut pas être fâchée contre toué si tu l’as pas fait exprès. Vas la voir. Dis i qu’c’est en en jouant qu’t’as fait ça ; qu’c’est pas d’ta faute et qu’alle a pas raison d’être froissée. Vas-i ; dis-i ça. J’y vas pis j’i dis.

Alle était ben contente.

J’l’aimais ben. Pis j’l’ai embrassée là, d’vant sa mère. Ensuite, j’y allais tous les jours en r’venant du séminaire. J’allais jaser avec elle.

On était toujours ensemble. On jouait toutes sortes de jeux. Alle m’aimait aussi, mais j’savais pas encore tout c’que c’est qu’l’amour.

Quand j’ai eu fait quatre ans au séminaire, maman qui vivait m’a demandé : Omer, veux-tu faire un prêtre ? J’ai dit : non, maman, j’aime trop les filles. Mais vous savez, j’disais ça, mais j’savais pas ben… ben… Mais j’les aimais. Ma mère m’a dit encore : Omer, dis-moué le, si tu veux faire un prêtre, t’en feras un. J’ai dit : non, maman, ensuite j’y suis pus allé au séminaire. C’est pour ça que j’suis pas instruit de toutes les façons comme vous et