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Page:Labiche - L’Avocat d’un Grec, 1859.djvu/14

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BROSSARD.

Comment donc ! tous les dimanches… au dessert.

BENOÎT.

Tu parles… je t’avouerai qu’au premier abord ton client ne me revenait pas beaucoup.

BROSSARD.

Je le crois bien !

BENOÎT.

Mais en t’écoutant, il m’a semblé qu’une auréole descendait d’en haut pour éclairer cette noble physionomie !…

BROSSARD.

Vraiment ? (À part.) Il est poétique, le beau-père.

BENOÎT.

Peu à peu, je sentis les larmes me venir aux yeux et les sanglots… car j’ai sangloté.

BROSSARD.

Allons donc !

BENOÎT.

Au point que l’huissier m’a mis à la porte…

BROSSARD.

Comment ! c’était vous ! (Lui serrant la main.) Ah ! c’est gentil… merci !

BENOÎT.

Mais ça m’était égal, j’avais entendu ta péroraison… j’avais vu le bouquet !… et j’apprenais un instant après que ton client, le vertueux Malvoisie… était acquitté…

BROSSARD.

Oui, beau-père… à l’unanimité… moins trois voix !…

BENOÎT, vivement.

Comment ! moins trois voix ! ça fait pitié ! un si magnifique caractère ! un homme qui a sauvé une femme des flots ! un vieillard !… que dis-je, un commerçant !…

BROSSARD.

Oui… un Vachonnet, enfin !

BENOÎT.

Un Vachonnet de l’incendie… et un enfant… je ne sais plus de quoi !… Moins trois voix ! c’est honteux !…

BROSSARD.

Songez qu’il y avait contre lui des charges accablantes.

BENOÎT.

Des charges ! quelles charges ?… Quant à moi, j’étais convaincu… surtout quand tu t’es écrié avec âme ! (Déclamant.) Cet homme que l’on soupçonne, messieurs, cet homme que l’on accuse, cet homme que l’on flétrit… Je voudrais… oui… je voudrais qu’il fût mon frère !

BROSSARD.

Ça a bien fait, n’est-ce pas ?