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Page:Labiche - L’amour en sabots, 1861.djvu/22

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LA BIRETTE.

Assieds-toi donc… Quand tu resteras là, planté sur tes ergots !

LEGALOUX, galamment.

Après vous, belle Birette.

LA BIRETTE, à part.

Encore ! (Elle s’asseoit et Legaloux aussi. Ils mangent.)

LEGALOUX, à part.

C’est vrai qu’elle est agréable à l’œil… quand elle est habillée.

LA BIRETTE, à part.

Y veut m’amadouer pour avoir le lard… (S’armant de la fourchette.) Mais s’il y met la main, je tape dessus !

LEGALOUX, à part.

Oh ! oui, qu’elle est belle ! J’éprouve un frisson. (Haut, avec passion.) Mam’selle, voulez-vous du lard ?

LA BIRETTE, étonnée.

Il m’offre du lard ! (Sa fourchette lui échappe des mains et tombe dans son assiette.)

LEGALOUX, vivement.

Est-elle cassée ?

LA BIRETTE.

Non… Certainement, monsieur Legaloux, je suis sensible à votre offre… mais je sais combien vous l’aimez… prenez-le !

LEGALOUX, à part, étonné.

Hein ?

LA BIRETTE.

Je mangerai les choux…

LEGALOUX, avec dignité.

Non, mam’selle !… l’homme qui se trouve à une table… en face d’une femme… et qui lui laisse les choux… est indigne de vivre.

LA BIRETTE.

Tiens ! c’est gentil ce que vous dites là ! Eh bien, voulez-vous faire une chose ? Partageons !

LEGALOUX, à part.

C’est une femme qu’a de ça ! (Il met la main sur son cœur.)

LA BIRETTE, qui a coupé le lard, lui en offrant un morceau.

Tenez !

LEGALOUX, refusant.

Pardon, ce morceau est le plus gros…

LA BIRETTE.

Ça ne fait rien… vous êtes un homme !

LEGALOUX.

Je n’accepterai point… vous êtes une femme…

LA BIRETTE, s’impatientant et frappant sur l’assiette avec son couteau.

Mais prenez donc… puisque je vous en prie.