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Page:Labiche - Les Précieux, comédie en un acte, mêlée de chant, 1855.djvu/15

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Après la séance,
De voir à distance
Poindre la quittance
Du restaurateur.

Valtravers, à part.

La triste existence !
Feindre la souffrance,
Et, de l’abstinence
Subir la rigueur.
Vivre sans pitance
Et d’une bombance
Flairer à distance
Le fumet railleur.

Fulbert

Pour l’homme qui pense,
La triste existence !
Dans la dépendance
Avilir son cœur !
Prenons patience
Et bonne espérance ;
Le temps qui s’avance
Nous sera meilleur.


Scène VII

VALTRAVERS, FULBERT. [Valtravers, Fulbert.]
Valtravers

Ils vont manger. (Arrêtant Fulbert prêt à entrer dans la salle à manger à gauche avec un plat.) Qu’est-ce que tu portes là ?

Fulbert

Monsieur, c’est du macaroni…

Valtravers, à part.

On dit que les Napolitains mangent ça avec leurs doigts. (Il essaie d’en attraper.)

Fulbert, lui mettant dans la main un album.

N’oubliez pas l’album de Madame… vous lui avez promis une pensée ingénieuse…

Valtravers

Ah ! oui !

Fulbert, sortant.

Dans une heure, je reviendrai vous frictionner. (Il sort à gauche.)

Valtravers, seul, tenant l’album.

« Pensée ingénieuse d’un noyé. » (Parlé.) Qu’est-ce que je vais lui plaquer là-dessus ? Voyons… (Cherchant sans écrire.) « Ô belle Madame… quand pourrai-je planter le chou de l’espérance… dans le potager de vos bonnes grâces ! » — Non ! c’est trop simple ! autre chose ! — « La femme est un lac… un lac de bitume !… » (On entend des voix en dehors.) Ah ! des importuns !… Allons ciseler ça dans ma chambre… (Tout en sortant.) La femme est un lac… (Il disparaît.)